Dans ma ville

, par Matthieu Marcillaud

Matin triste sur un banc
Près des remparts vers la prison
Je vois du noir à l’horizon
Et des immeubles plus gris que blancs

J’m’arrache les ch’veux, je serre les dents
J’ai une rage de coeur profond
Qu’est-venu hier, même pas d’glaçon
Pour stopper ce brasier violent

J’ai vu ma ville, défoncer la porte en criant
J’ai vu ma ville, kidnapper deux jeunes enfants
J’ai vu ma ville, les condamner, les expulser
Leur seul mérite ? Leur seul mérite ?
Être de simples sans-papiers. [1]

Oui c’est l’été.
La chasse à courre peut commencer. [2]


Matin triste sur ce banc
Près des remparts vers la prison
J’entends un train qui quitte ce camp
Est-ce un charter ? déportations ?

Mais y a pas qu’ça qui m’peine seulement
J’ai des sifflets dans les tympans
Qui sont v’nus hier à l’unisson
Signal d’alerte d’une déraison

J’ai vu ma ville, verbaliser deux musiciens
J’ai vu ma ville, enlever les bancs mine de rien
J’ai vu ma ville, son arrêté mendicité
Leur seul défaut ? Leur seul défaut ?
Fallait pas qu’ils fassent le chapeau. [3]

Oui c’est l’été.
Pas de manche sur les beaux pavés.


Matin triste sur le banc
Près des remparts vers la prison
Derrière j’vois passer du béton
Pour un centre commercial tout blanc

Ca m’fout en rogne, je pleure ces temps
Où mes yeux rouge au sang bouillant
Hurlent de voir s’élever
Cette richesse sous nos nez

J’ai vu ma ville, solder la terre à un privé
J’ai vu ma ville, y bâtir des apparts huppés,
J’ai vu ma ville, exclure les transports en commum
Pour un immeuble, pour un immeuble,
Aux actionnaires américains. [4]

Tous les étrangers, n’sont pas mal vu dans la cité.
Tous les étrangers, n’sont pas mal vu dans cette cité.

Oui c’est l’été.
J’veux foutre le camp ou tout changer.

Matthieu Marcillaud,
Le 11 août 2006,
Sur les remparts,
Angoulême.

P.-S.

Accords

Am           Dm
Matin triste sur un banc
G                      E
Près des remparts vers la prison
Am                  Dm
Je vois du noir à l'horizon
G                      Am
Et des immeubles plus gris que blancs

Notes

[1Histoire découverte par hasard dans le Canard Enchaîné du 9 août 2006, relatant une arrestation à Soyaux (banlieu d’Angoulême) de deux enfants sans papiers, à leur domicile, en 2004, alors même que leurs parents n’étaient pas là, et après avoir défoncé la porte d’entrée. Un des deux enfants à été menoté et ils ont été conduits à Toulouse. Leur situation était connue, la Présidente du Conseil Régional saisie, mais rien n’y a fait.

[2Allusion à une action de la BAC, la Brigade Activiste des Clows (j’ai rencontré quelques membres sur un festival à La Rochelle), qui oeuvre sur Paris et a procédé à une Chasse à courre (de récré) le 1er juillet 2006 en réponse aux extraditions du Ministère de l’Intérieur.

[3Pas plus tard que le 11 aôut 2006, de retour de la bibiothèque d’Angoulême, j’écoute dans la rue deux musiciens, une flûtiste et un guitariste, et les félicite d’apporter de la gaieté dans cette ville. Ils furent contents de me répondre qu’il faudrait le signaler à la police qui les a verbalisé deux fois la veille sous prétexte d’un arrêté municipal qui interdirait la mendicité.
Ils m’ont fait lire l’article en question, qui dit simplement, et reste très évasif qu’il ne doit pas y avoir de regroupements gênant la circulation des passants et le bonheur de la ville. Moi qui croyait qu’ils apportaient justement le bonheur. En fait, ils pouvaient jouer, mais, dixit la police, sans faire le chapeau, la manche ou l’étui de guitare pour glaner quelques sous.
Cela confirme la volonté de l’équipe municipale actuelle de faire disparaître de la ville les signes de pauvreté, en supprimant, par exemple, au fur et à mesure, les bancs pour s’assoir. On peut s’offusquer ainsi de la place Saint Martial ou la Place Hergé, éloquents en ce sens. Mais que sera le Champs de Mars et l’Esplanade de la mairie après les travaux en cours et futurs ? Un vaste champ où l’on s’assoit directement sur le sol ?

[4Rapport aux travaux effectués actuellement sur la place du Champ de Mars, vendue à des investisseurs privés pour construire un énorme parking souterrain, des commerces de grandes enseignes (80% des actionnaires y sont généralement américains), des appartements de grand standing, remplaçant une place affreuse (effectivement) mais qui était le carrefour de tous les échanges de bus de la ville.
L’équipe municipale, malgré la pression de l’opposition, a refusé un référendum local pour valider ou invalider son projet, et bien sûr, n’a pas cru bon d’oeuvrer dans le sens d’une participation des citoyens qui auraient pu proposer un projet d’aménagement bien plus en adéquation avec une vision d’avenir de la ville, notamment en terme de transport urbain.