Grain de maïs

, par Matthieu Marcillaud

Un été fort pluvieux vu naître un épi juteux
Un maïs bien portant si croquant au creux des dents
L’exploitant des semences allait s’en remplir la panse
Il se voyait obèse : cet or jaune c’est benaise !

Avant de remercier la nature qu’avait bossé
Il inspectait son champ, par orgueil évidemment
Mais porté par l’élan, son assiette basculant
Il tomba face au nez d’un grain qui manifestait !

L’épi clamait bien fort qu’il lutterait même mort
Contre cette obstination à vouloir couper leur trognon
C’est pour ça qu’il taggait, sur les chaumes isolées
Leur futur sans complexe en pop-corn ou en tex-mex !

Les yeux noirs du monsieur, qui louchaient le prétentieux
Fusèrent sur son engin pour moissonner ce sale vaurien
Et c’est voulant faire fi du misérable grain de vie
Qu’il se mit bien à dos toutes ces plantes avides d’eau.

Car les grains révoltés qui n’avait osé l’afficher
Combattirent en rangs serrés la batteuse qui les frappait.
Les cabosses en question, insoumises à la moisson
Se trouvèrent solitaire au coeur d’un champ mortifère.

Pour les autres qui ont laissé la machine les secouer
Elles s’entassèrent au chaud toutes dans le fond d’un silo.
L’homme satisfait du butin rentra donc chez lui serein :
Il n’en avait que faire de ces quelques épis par terre !

Mais ceux-là étant libre du lieux très vite ils déguerpirent
Puis pour n’pas être glanés ils se cachèrent dans un bosquet
Et souhaitant se venger du patron qui les récoltait
Ils votèrent tous pour décupler leur petite force armée.

Ils prirent donc racine et s’élevèrent vers les cimes
Mais aucun ne fit de fleur : voilà bien leur grand malheur.
Ils étaient impuissants face à leurs gènes résistants
Qu’on avait injectés évidemment contre leur gré.

Ils périrent tous ainsi sans avoir pu redonner vie
Par vieillesse avancée sans avoir pu se révolter
Mais le plus triste encore par un tout autre effet du sort
C’est qu’le joli bosquet mourut d’une autre adversité.

En se décomposant le maïs fut très nonchalant :
Ses pesticides sortants tuèrent la faune abondamment
Elle-même qui nourrissait de par son oeuvre tout le bosquet
Fit périr ce dernier dans une jaunisse désespérée.

Les épis du silo eux furent donnés à quelques veaux
Qui sont ainsi vendus sans étiquette bien sûr dessus.
Quelques grains avec chance profitant d’une inadvertance
S’sont même retrouvés cois dans une bouillie de polenta !

N’dites pas à l’exploitant qu’il est dang’reux pour ses enfants
Car lui n’fait que regarder la prime qu’il pourra amasser
Et n’dites pas à vos enfants qu’il n’est pas bien d’être paysan
Faut pas confondre avec eux quelques hommes lésineux.

 

Marcimat,
le 29 avril 2006,
A mon bureau,
Angoulême.
Commencé en automne en glanant du maïs, continué en hiver au fil de manifestations et terminé au printemps sur le dossier OGM du monde diplomatique (mars 2006).